Conseil de sécurité: l’Envoyé spécial appelle les autorités du Burundi à envoyer un « signal fort » en faveur de la reprise du dialogue politique

24 mai 2018

Conseil de sécurité: l’Envoyé spécial appelle les autorités du Burundi à envoyer un « signal fort » en faveur de la reprise du dialogue politique

L’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Burundi, M. Michel Kafando, a appelé, ce matin [24 mai 2018], devant le Conseil de sécurité, les autorités burundaises à relancer le dialogue politique, en prévision notamment des élections de 2020.

Une semaine, jour pour jour, après la tenue, le 17 mai, du référendum constitutionnel au Burundi, M. Michel Kafando a déclaré: « maintenant que le pays s’achemine vers une autre phase importante de son histoire, nous attendons un signal fort des autorités en faveur de la reprise du dialogue interburundais sous l’égide de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) ».

L’Envoyé spécial a souligné qu’un dialogue inclusif reste « la seule voie » pour le règlement durable des défis politiques, socioéconomiques et humanitaires auxquels le Burundi fait face depuis 2015, parmi lesquels, a-t-il précisé, figurent en bonne place la préparation et la réussite des élections inclusives, crédibles et transparentes en 2020. 

« Si tel n’était pas le cas, a-t-il averti, il est à craindre que la contestation des résultats du référendum par l’opposition ne polarise davantage une situation politique déjà tendue. »

Le Président de la configuration pour le Burundi de la Commission de consolidation de la paix (CCP), M. Jürg Lauber, de la Suisse, qui s’est rendu au Burundi du 27 au 30 mars dernier, a dit avoir invité le Gouvernement à réfléchir à la possibilité de recevoir une assistance internationale pour les élections de 2020.

Le Gouvernement, a informé M. Lauber, a indiqué qu’il était en train d’élaborer un nouveau plan national de développement qui pourrait être publié avant l’été.  M. Lauber a ainsi proposé au Président, M. Pierre Nkurunziza, d’organiser une nouvelle série de consultations socioéconomiques à Bujumbura, avec des partenaires comme le Fonds monétaire international (FMI), l’Union européenne et des donateurs bilatéraux.

Par ailleurs, a-t-il regretté, les trois experts mandatés par la résolution 36/2 du Conseil des droits de l’homme n’ont pas été en mesure de conduire leurs travaux et ont quitté le Burundi après un mois.  Cette résolution ayant été présentée en septembre dernier par les pays africains, avec l’appui du Burundi, M. Lauber a estimé qu’il est encore possible de mener à bien cette mission. 

À l’instar de la Côte d’Ivoire, plusieurs membres du Conseil de sécurité se sont inquiétés du fait que, plus de six mois après la dernière session du dialogue interburundais mené sous l’égide de la CAE, le processus politique n’ait pas enregistré de progrès significatifs.  Les délégations ont multiplié les appels en faveur de la reprise du dialogue sous la facilitation de l’ancien Président tanzanien, Benjamin Mkapa, et la médiation du Président ougandais, Yoweri Museveni, et dans le respect de l’esprit de l’Accord d’Arusha de 2000. 

La France, qui n’a pas vu dans la réforme constitutionnelle un moyen de résoudre la crise, a considéré que la révision de la Constitution introduit des modifications qui vont à l’encontre de l’Accord d’Arusha, « colonne vertébrale d’une décennie de paix au Burundi ».  La délégation française a aussi relevé que le système institutionnalisé de partage du pouvoir entre les composantes communautaires est remis en cause, tandis que les mécanismes visant à protéger la minorité tutsie disparaissent. 

À leur tour, les États-Unis ont mis en garde contre des amendements constitutionnels tendant à « consacrer la concentration des pouvoirs », évoquant les cas de « ces dirigeants qui prolongent indéfiniment leurs mandats », une situation qui conduit inévitablement vers l’instabilité.  La Côte d’Ivoire a, pour sa part, déploré l’absence de consultations élargies entre les diverses couches de la société burundaise, avertissant que ceci risque de fragiliser davantage le processus de réconciliation nationale.

Cependant, la Bolivie et la Guinée équatoriale ont estimé que le référendum et le processus électoral relèvent des affaires intérieures du Burundi, tandis que la Chine a appelé au respect de la souveraineté nationale du pays.

Dans le même esprit, la Fédération de Russie a avancé que « la situation réelle du pays n’est pas ce qu’on veut nous faire croire ».  Face à ceux qui veulent « déchaîner les passions », son représentant a fait valoir que le Burundi ne relève pas du mandat du Conseil de sécurité mais plutôt de celui des instances onusiennes de Genève.

En fin de séance, la délégation burundaise a d’ailleurs réitéré sa demande « pressante » de retirer le Burundi de l’agenda du Conseil de sécurité, arguant que la situation qui y prévaut est « loin de constituer une menace à la paix et à la sécurité internationales ».

Le représentant s’est félicité du « succès retentissant » du référendum constitutionnel, un scrutin par lequel « le peuple burundais vient de prouver à la communauté internationale sa maturité politique et ses capacités d’organiser des élections démocratiques, libres, transparentes et apaisées avec un budget 100% national ».  « Ce qui se dit sur un soi-disant non-respect de l’Accord d’Arusha relève de la manipulation de l’opinion et de la volonté de certains acteurs exogènes de vouloir déstabiliser le Burundi », s’est-il défendu. 

Au cours de cette réunion, la situation sécuritaire a également préoccupé la plupart des délégations, qui ont condamné l’attaque du 11 mai dernier, qui a fait 26 morts à Ruhagarika.

La situation humanitaire a été abordée à plusieurs reprises, plusieurs membres s’étant félicités de la signature, en mars dernier, de l’accord tripartite entre le Burundi, la Tanzanie et le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) sur le retour des réfugiés.

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